Par Esprit RH
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OPEN SPACE: bénéfices et pertes du progrès

Qui n’a pas encore entendu parler d’un des livres phares de la rentrée littéraire : « L’Open Space m’a tué » ? Co-écrit par deux « jeunes cadres dynamiques » qui travaillent depuis 9 ans comme consultants, ce livre traite, de manière plutôt incendiaire, du néo management.

Dès la préface on apprend que les attitudes de la génération Y (voir article..), qui se traduisent par un esprit orienté de manière plus importante vers la vie privée que la vie professionnelle, ne seraient en fait qu’une conséquence de ce néo management, le management participatif.

Pourtant, les intentions de cette nouvelle forme de management sont toutes autres. Le management participatif consiste en théorie à rendre le travail plus agréable grâce à un aplatissement de la hiérarchie et une plus grande autonomie dans le travail, donc à permettre par exemple une gestion personnalisée de son temps de travail. Mais encore faut il que le travail n’exige pas que l’on lui consacre 70 heures par semaine…

De plus, si vos rapports avec vos supérieurs hiérarchiques sont désormais plus « cool » (tutoiement, délégation, etc.), avec vos collègues d’open space, c’est la guerre ! Les équipes changeant tous les six mois « pour favoriser la nouveauté », l’apparition de lien amicaux est quasi nulle. De ce fait, chacun épie ce que fait l’autre et n’hésite pas à le rapporter. Honte à celui qui passe 20 minutes sur facebook à chercher des nouveaux contacts. Pourtant quoi de plus normal que de consacrer un peu de temps à sa vie sociale quand on passe 10 heures par jour au travail et que l’on rapporte des dossiers à la maison ? Ce salarié ferait peut être mieux de faire ses pauses à la « K-Fête » avec ses collègues pour être bien vu. Certes, mais à la K-fête, on parle encore boulot….même en jouant au baby foot.

Et que dire de votre santé ?! Selon le journal du net, 60% des personnes travaillant dans un open space seraient « au bord de la crise ». Stress, malaise vagaux, dépression…l’arrivée de cette nouvelle manière de travailler à engendré une recrudescence effrayante de ces maladies, dites modernes… !

Pour rentrer dans le moule et éviter toute agression supplémentaire, il va falloir vous armer d’un savoir être, et surtout d’un langage, qui vous donnera l’image d’un pro !Par exemple si vous souhaitez faire patienter un de vos collaborateurs, ne dites pas « attends 2 minutes » mais « je reviens vers toi dès que j’ai du nouveau ». N’essayez pas de faire de belles phrases alambiquées dans vos mail, on vous prendra pour un improductif. Pour être efficace, employez les termes « ASAP[1]», « FYI[2] » , « specs[3] », « propales[4] » ou encore « reco[5]». Certains mots non contractés peuvent par contre être utilisés à outrance pour appuyer votre professionnalisme. Ainsi il sera beaucoup plus élégant d’employer méthodologie plutôt que méthode, problématique au lieu de problème ou encore sélectivité à la place de sélection ! Ce langage fait partie des codes de bonnes conduites en open space, et si vous ne les maîtrisez pas, si vous préférez sortir du lot en répondant aux mails collectifs de manière «originale», ne soyez pas surpris d’être ensuite victime d’isolement. Car on ne licencie pas dans ce genre d’entreprise, on écarte les trublions (suppression de votre nom dans la liste des destinataires pour les convocations aux réunions, placement sur des projets irréalisables ou en deçà de vos compétences,etc.) jusqu’a ce qu’ils perdent pied et finissent pas démissionner.

Le livre se lit comme un roman, parsemé de notes ironiques sur les bienfaits de l’open space. Il serait cependant trop facile de conclure en disant qu’il n’y a rien de bon dans ce type de structure. Nous vous conseillons donc de prendre le livre avec relativisme, en accompagnant votre lecture de réflexions plus constructives sur le management participatif, notamment avec le livre intitulé « le Management Participatif », écrit par Hermel et édité par l’Organisation. En effet, s’il contient des critiques pertinentes sur les dérives du management actuel, arrivé à la 100ème page de « l’open space m’a tué », on tourne en rond. Trop de critiques, pas assez de propositions, on sent bien que les auteurs ont des comptes à régler avec leurs anciennes entreprises, toutes citées de manière implicite (exemple : ELLE c FAIRE, CACEFINI, etc). Le manque d’empathie de ce livre et son caractère extrémiste donnent alors une vision radicalement pessimiste de l’open space.

Pourtant, de la salle de marchés au bureau d’engineering, on ne peut rejeter les aspects positifs de ces nouveaux espace de travail. L’échange d’idées et la cohésion d’équipes sont largement facilités par cet aménagement. Et si l’on atténue les nuisances sonores et le stress que celui ci engendre, l’émulation collective produite par les open space et leur management associé est indéniable. Pour se faire, certains designers de bureaux ou space planners (les mêmes qui ont créé l’open space!), ont inventé le « digital yurt », canapé en demi cercle avec lumière cosy, censé relaxer le personnel tendu. On doute de l’efficacité de cette invention mais elle a néanmoins le mérite d’exister et de servir de prototype pour améliorer durablement les conditions de travail des salariés en open space et retrouver les bénéfices de ces aires de travail.

Alors en attendant que de véritables améliorations voient le jour, otages des open space, vous pouvez toujours acheter le kit de survie de l’open space, vendu avec boules quies, pince à linge (pour éviter les odeurs du plat chinois commandé par votre voisin de bureau) et rétroviseur!

[1] ASAP : As soon as possible

[2] FYI: For your information

[3] Specs : Spécifications

[4] Propales : Propositions commerciales

[5] Reco : Recommandations 


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