Philippe Vidal intervient sur BFM à propos du reclassement de députés en entreprise
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Après les résultats du second tour dimanche, nombreux sont les députés qui vont quitter les bancs de l'Assemblée. Certains vont probablement chercher du travail dans le privé, où des entreprises pourraient être intéressées par leurs compétences et leur connaissance de la sphère publique.

 

Le grand renouvellement a bel et bien eu lieu. La large victoire de la République en marche aux législatives ainsi que l'entrée en vigueur du non-cumul des mandats font que la très grande majorité des sièges de l'Assemblée nationale vont connaître de nouveaux occupants.

Pour de nombreux ex-députés, il va ainsi falloir retourner dans la société civile. Certains redeviendront fonctionnaires. Les avocats, eux, (environ 10% des députés sortants) retrouveront un cabinet. Mais d'autres ex-élus vont taper à la porte des entreprises.

L'ancien député LR de la Drôme Hervé Mariton a, par exemple, confié à RMC qu'il cherchait du travail. "Je lance une demande d'emploi et s'il y a des personnes intéressées, tout s'étudie", avait-il déclaré le 11 mai. "Je vais retourner chercher du boulot, comme 90% des gens dans ce pays quand ils ont une responsabilité et qu'ils la perdent", a assuré pour sa part Alexis Bachelay, ancien député PS dans les Hauts-de-Seine.

Des connaissances précieuses

Les députés sont-ils dès lors solubles dans l'entreprise? En tout cas, ils ont certains atouts à revendre.

"Il y a là quelque chose de particulier avec des profils qui ont à la fois des capacités d'organisation, de communication, et surtout une connaissance des arcanes de la chose publique qui peut intéresser par exemple les syndicats professionnels, les sociétés de lobbying, les entreprises qui travaillent sur les marchés publics ou les sociétés de conseil", explique Fabrice Coudray, directeur au cabinet de recrutement Robert Half.

"Ces gens-là peuvent dire 'cette chose doit être traitée à tel niveau et voilà ce qu'il faut faire pour y arriver'. C'est cette connaissance qu'ils peuvent valoriser et qui est précieuse dans le monde de l'entreprise", poursuit-il.

Responsable des affaires publiques

Philippe Vidal, président de Vidal Associates Consulting & Search, un cabinet de chasseurs de têtes spécialiste du middle and top management, explique avoir déjà démarché des élus dont des députés "qui peuvent intéresser certaines entreprises". "En règle générale, ce sont des sociétés d'une certaine taille, car elles veulent avoir un responsable des affaires publiques, poste qui est très peu présent dans les PME", indique-t-il.

Pour lui aussi les députés répondent à une demande des entreprises "qui ont un courant d'affaires avec l'État et qui ont besoin d'avoir un décryptage des codes, une meilleure connaissance du pouvoir politique. Cela peut être des grosses sociétés qui cherchent à faire évoluer des textes de loi qui vont avoir une influence sur la rentabilité de leur business, comme le tabac ou les aliments sucrés. Il s'agit alors de lobbying". 

Les députés, de par leur carnet d'adresses ou leur connaissance des réseaux politiques "peuvent aussi amener des affaires ou faciliter l'accès à certains contacts", complète Philippe Vidal, citant le secteur de la banque privée. 

Une employabilité à cultiver

Fabrice Coudray considère toutefois qu'il est plus facile de se recycler pour les députés qui ont "cultivé" leur employabilité. "Chaque cas de député est unique. Mais il sera plus facile de repositionner un député de moins de 50 ans qu'un autre plus âgé qui a eu trois mandats, qui s'est déconnecté et ne s'est jamais posé la question de son employabilité", développe Fabrice Coudray. De même, "cela sera plus difficile pour les députés qui ont surtout géré les affaires courantes sans s'attarder sur les sujets de fond. Au contraire de ceux qui ont travaillé sur des projets de loi intéressants", ajoute- t-il. 

Phillipe Huguen - AFP - Laurent Grandguillaume

Des compétences transférables

Laurent Grandguillaume fait clairement partie de la deuxième catégorie. L'ancien député PS de la Côte d'Or a eu une importante activité parlementaire. Il a notamment rédigé un rapport sur l'entrepreneuriat individuel et a été à l'origine d'une proposition de loi pour "pacifier" les relations entre VTC et taxis. Ce jeune ex-député (39 ans) avait commencé sa carrière dans le privé avant de débuter une carrière politique en 2008. Fin 2016, il a préparé sa reconversion en choisissant de ne pas se représenter et en suivant un M2 Management des organisations au Celsa (université Panthéon Sorbonne). Le 21 juin prochain, il rejoindra la société Missioneo, spécialisée dans les nouvelles formes d'emploi, en tant que directeur du développement.

Selon lui, "lorsque l'on est député, on acquiert des compétences d'animation de projets ou encore une capacité à fédérer pour trouver des solutions. Ces compétences sont transférables dans les organisations publiques comme dans les entreprises".

Des transitions difficiles

Laurent Grandguillaume juge aussi que "l'ancrage territorial des députés et leur sens de la responsabilité, de l'engagement, peuvent intéresser les entreprises notamment au niveau de la RSE (responsabilité sociétale des entreprises, ndlr)". Il considère néanmoins qu'il est "plus simple de retourner dans le privé lorsqu'on y a déjà été".

"Le problème est que dans notre pays les transitions sont mal pensées et que l'on considère un mandat d'élu comme une carrière linéaire. Avec le non-cumul des mandats, il va falloir penser ces transitions et les députés vont devoir s'interroger sur leurs compétences et la transférabilité de ces compétences", ajoute-t-il.  

"La France est un pays standardisant où on aime les parcours lisses", confirme Fabrice Coudray. Avant d'ajouter: "Pourtant dans ces cas précis, les entreprises ont l'opportunité d'ajouter des compétences. Après tout, on a bien vu Montebourg entrer chez Habitat".




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